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pulvar.jpg

 

Depuis l'annonce lundi 22 novembre de la suspension de l'émission Audrey Pulvar Soir par la direction d'I-Télé, les réactions fusent et s'enchaînent par médias interposés. De Ségolène Royal en passant par Gérard Longuet, Philippe Tesson et même Claire Chazal, les réactions indignées n'ont pas arrêté. A tel point que pendant que Pierre Fraidenraich était quasiment sommé de se justifier chez Jean-Marc Morandini sur Europe 1 mercredi 24 novembre, Audrey Pulvar elle-même s'adressait aux téléspectateurs d'I-Télé sur le site de la chaîne pour leur donner rendez-vous très prochainement. 

 

 

En creux dans l'échange entre Jean-Marc Morandini et Pierre Fraidenraich, la direction d'I-Télé était quasiment dépeinte comme faisant la sourde oreille à une polémique qu'elle avait elle-même créée semble-t-il trop tôt dans le calendrier politique.

 

 

Mais revenons aux faits bruts. Audrey Pulvar est à la ville la compagne d'Arnaud Montebourg, député socialiste. Ce dernier a déclaré sa candidature aux primaire socialistes en vue de l'échéance présidentielle de 2012 samedi 20 novembre. C'est à la suite de cette déclaration qu'I-Télé a décidé de suspendre l'émission d'Audrey Pulvar, et non la journaliste elle-même comme cela a pu être écrit ça et là. La journaliste l'a elle-même annoncé sur Europe 1 lundi, et a dit respecter la décision de sa direction. C'est alors que les réactions indignées ont plu.

 

 

Pulvar sur Europe 1

 

On peut s'interroger sur deux points dans cette histoire. Pourquoi une suspension d'antenne si tôt par rapport au calendrier politique d'une part et que révèle cette pluie de réactions d'autre part?

 

 

Mélange des genres

 

 

 

anne sinclair  

Je ne me rappelle pas que lorsqu'Anne Sinclair ou Béatrice Schönberg avaient quitté l'antenne cela ait suscité tant de réactions. Dans le cas d'Anne Sinclair, la décision était venue d'elle, son mari était ministre à l'époque. Quant à Béatrice Schönberg, autre épouse de ministre, c'est France 2 qui avait pris les devant. Christine Ockrent avait quant à elle cessé d'animer France-Europe Express sur France 3 après la nomination de son compagnon comme Ministre des Affaires Etrangères tout en s'en défendant et assurant que le concept commençait à s'essouffler après 10 ans d'antenne.

 

ockrent

 

 

S'il est légitime pour des journalistes talentueuses de ne pas vouloir être suspectées de « confusion des genres » - dixit la direction d'I-Télévision, on peut s'étonner de la rapidité de la chaîne à prendre cette décision alors que Montebourg n'est « que » candidat aux primaires. Vu l'état du PS, sa victoire est pour le moins incertaine. À quasiment un an de la campagne présidentielle, cela semble plus que prématuré. Par ailleurs, cette décision qui semble imposée à la journaliste, bien qu'elle dise la respecter, la met dans une posture de victime, ce qui n'avait pas été le cas d'Anne Sinclair ou de Christine Ockrent. Et c'est bien là que se situe le nœud du problème. La violence symbolique qui émane de cette décision génère des réactions de la part du personnel politique et de ses confrères et consoeurs dans les médias. Ces réactions en cascade semblent d'ailleurs accréditer la thèse d'une décision subie par la journaliste.

 

Une des raisons profondes de ce déchaînement tient probablement au fait que ce sont souvent les femmes qui subissent les contraintes de la carrière de leur compagnon et non l'inverse. Pourquoi? Parce que les journalistes et les politiques se fréquentent beaucoup. Parce que le personnel politique en l'occurrence est très majoritairement masculin.

 

Une position compliquée pour les chaînes

 

Par ailleurs, les chaînes sont extrêmement soucieuses de leur crédibilité. Que ce soit France Télévision ou I-Télé, la qualité de leurs journalistes est leur atout principal, mais le moindre doute sur leur probité peut écorner durablement leur image. Pour I-Télé, les conséquences peuvent être à la fois financières (moins d'annonceurs, moins d'audience) et éditoriales (moins d'invités). Mais à trop prendre les devants, la direction de la chaîne a écorné son image assez violemment et déforme le message qu'elle souhaite faire passer. Ce qui explique la vidéo réalisée par Pulvar herself.

 

Quant à France Inter où Pulvar officie le matin, forcée d'emboîter le pas à I-Télé pour ne pas être en reste, la radio publique est dans une posture moins rigide et ne suspendra pas la journaliste au préalable, mais réfléchit à un aménagement de son temps d'antenne tout en maintenant le rendez-vous de 7h50, ce qui semble plus raisonnable et surtout respectueux à la fois de sa salariée et des auditeurs.

 

Icône des médias, cette dernière semble sacrifée sur l'autel de l'éthique journalistique. Le sous-texte de toute cette agitation tient également en une forme de suspicion préalable envers les journalistes emblématiques pour qui la tolérance zéro dans leur vie personnelle est la règle. Car sanctionner une journaliste pour ses choix personnels, tel est bien le problème. On a vu peu d'hommes de presse suspectés pour leur vie personnelle, mais il semblerait que ce ne soit pas l'envie qui leur manque, jugez plutôt par ce papier envieux de Benoït Helme sur slate.fr, qui conclut tout de même que le pouvoir n'est pas un puissant aphrodisiaque aux yeux d'hommes ayant encore des réflexions bien sexistes sur la présence de femmes en politique.

 

Sacrifiées au profit de la carrière de leurs compagnons, l'image de ces journalistes se fige pour celles qui quittent le journalisme politique. On garde d'elles l'image d'excellentes profesionnelles. Souhaitons à Audrey Pulvar qu'elle puisse continuer à exercer son métier. Et je n'écrit pas ces lignes parce que son compagnon m'insupporte, politiquement parlant s'entend bien sûr!

 

Tag(s) : #Discriminations